COQ Guy - Tiers lieu éducatif et accompagnement scolaire.pdf

De Vanlindt Marc
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Le Tiers Lieu Éducatif : Synthèse et Analyse de la Pensée de Guy Coq

Résumé Exécutif

Ce document synthétise l'argumentaire de Guy Coq, développé en 1994, sur la nécessité d'un "tiers lieu éducatif" pour compléter le tandem traditionnel famille-école. L'auteur soutient que l'éducation ne peut se résumer à ce partage binaire et que les attentes excessives envers l'école risquent de la paralyser. Le tiers lieu, défini comme un espace pluriel, non familial et non scolaire (associations, clubs, mouvements), remplit une double fonction cruciale. D'une part, il agit comme un mécanisme de compensation lorsque la famille ou l'école sont défaillantes. D'autre part, il constitue une nécessité structurelle, même lorsque les deux premières instances fonctionnent parfaitement, en offrant des espaces de développement, de socialisation et de liberté indispensables à l'enfant.

L'accompagnement scolaire associatif est présenté comme la manifestation la plus emblématique de ce tiers lieu. Loin d'être une menace pour l'école, il est un soutien qui aide l'enfant à se réapproprier sa scolarité, permet aux enseignants de travailler dans de meilleures conditions et agit comme un contrepoids au marché socialement injuste des cours particuliers. Coq insiste sur le statut nécessairement pluriel et non unifié de ce tiers lieu pour préserver la liberté de choix et la souplesse d'intervention. Il conclut en proposant la création d'une fonction de "moniteur scolaire", inspirée de celle des moniteurs de colonies de vacances, pour encadrer ces activités avec une formation axée sur une attitude constructive et de complémentarité vis-à-vis de l'école.

1. Les Limites du Partage Éducatif Traditionnel

Guy Coq postule que l'éducation se partage traditionnellement entre deux instances principales : la famille et l'école. Cependant, ce modèle binaire montre ses limites face aux complexités de la société contemporaine.

Rôles Attribués à la Famille et à l'École

La Famille : Assure la première éducation, l'ouverture à la culture, la construction des premiers rapports humains et l'émergence de la personnalité. Elle transmet un "sens possible de la vie" (éthique, religieux, philosophique) et, de manière cruciale, prépare culturellement l'enfant à intégrer l'institution scolaire. L'auteur souligne que "on ne naît pas écolier" et que l'attitude de la famille vis-à-vis de l'école est un soutien fondamental.

L'École : A pour mission de transmettre les "grands héritages de la communauté historique" et de recréer continuellement la "mémoire commune". Elle est responsable des apprentissages intellectuels formalisés et méthodiques. Son rôle de dépositaire de la mémoire s'est accru avec l'usure des transmissions culturelles par la tradition. Coq oppose la transmission scolaire, qui engage la mémoire, à la "logique d'impression instantanée de la télévision", qu'il juge répétitive et compulsionnelle.

L'Insuffisance du Modèle Binaire

L'auteur affirme que ces deux instances ne peuvent pas se compenser mutuellement de manière efficace en cas de défaillance.

L'école ne peut compenser les défaillances familiales : Elle ne peut devenir une "grande famille" ou une "instance maternelle de substitution". Son fonctionnement présuppose des acquis éducatifs (capacité d'obéissance, discipline, distinction adulte-enfant) que la famille doit fournir.

La famille ne peut compenser les carences de l'école : Elle peut agir comme médiateur (choix d'une autre école), mais ne peut se substituer à l'enseignement. De plus, l'école est fragilisée par les messages sociaux dévalorisants véhiculés par la société et parfois par la famille elle-même.

C'est dans cette impasse que l'idée d'un tiers lieu éducatif trouve sa première justification : il est un espace extérieur capable d'intervenir pour compenser les manques sans surcharger l'une ou l'autre des instances.

2. Le Concept et la Nécessité du Tiers Lieu Éducatif

Le tiers lieu éducatif est présenté non seulement comme une solution aux dysfonctionnements, mais aussi comme une composante structurellement indispensable à une éducation complète et à la liberté de l'enfant.

Définition et Caractéristiques

Définition Négative : Le tiers lieu est "ni familial [...] ni scolaire". Il ne doit pas être une "école bis". Le rapport à l'enfant n'y est ni parental ni celui d'un élève.

Caractère Pluriel : Contrairement à l'unicité institutionnelle de la famille et de l'école, le tiers lieu est un "espace pluriel" : communautés associatives, espaces de voisinage, lieux culturels, communautés religieuses, mouvements divers.

Visée Éducative : Quelle que soit l'activité principale, une visée éducative doit animer ces espaces.

Une Nécessité Structurelle à l'Époque Contemporaine

Même si la famille et l'école remplissent parfaitement leurs rôles, le tiers lieu reste essentiel pour deux raisons :

1. Conjoncturelle (liée à l'époque) : La société moderne a vu la disparition des espaces sociaux qui "éduquait spontanément". Les espaces actuels sont souvent "indifférents à l'enfant ou au jeune", les traitant comme des consommateurs anonymes et les exposant à une culture de l'immédiateté. La télévision, en particulier, tend à ne pas respecter la spécificité de l'enfance. Le tiers lieu devient alors un moyen "d'arracher le temps de l'enfant au gardiennage par les écrans".

2. Structurelle (permanente) : La totalité du champ éducatif ne peut être couverte par la famille et l'école. La pluralité des instances est une condition fondamentale de la liberté de l'enfant, qui peut ainsi opérer ses propres synthèses, compensations et rééquilibrages entre les différents lieux. La "coexistence dialoguante des trois instances, dans leur claire distinction, est une des conditions de la liberté de l'enfant".

3. L'Accompagnement Scolaire : Incarnation du Tiers Lieu

L'accompagnement scolaire est analysé comme un cas d'étude privilégié du tiers lieu éducatif en action, illustrant ses fonctions, son potentiel et les conditions de sa réussite.

Fonctions de l'Accompagnement Scolaire

Soutien direct à l'enfant : Il aide l'enfant en "décrochage" à se ressaisir et à éviter l'engrenage de l'échec.

Espace d'expression et de changement : Hors du cadre institutionnel scolaire, l'enfant peut s'exprimer sur son rapport à l'école, analyser son propre comportement et changer d'attitude. L'extériorité permet de sortir des "ornières de son personnage". Une "autre relation, avec quelqu'un d'autre que le maître, est positive".

Interaction positive : Des activités extrascolaires (distractives ou culturelles) peuvent transformer positivement les motivations scolaires, créant des "retombées positives" d'un lieu éducatif à l'autre.

Une Relation de Soutien et non de Concurrence avec l'École

L'auteur réfute l'idée que l'accompagnement scolaire menacerait ou délégitimerait l'école.

Un soutien aux enseignants : En aidant un enfant en difficulté, l'accompagnement scolaire permet aux enseignants de "mieux faire leur travail, et dans des conditions institutionnelles moins dégradées". Il est rappelé qu'"il suffit d'un seul enfant réfractaire au statut d'écolier... pour sinistrer l'année scolaire de toute une classe".

Un révélateur des dysfonctionnements : L'accompagnement scolaire peut mettre en lumière des "faiblesses de la pratique pédagogique". Ce "risque doit-être assumé" à condition que le tiers lieu refuse "de passer au registre du dénigrement de l'institution scolaire". Une déontologie de l'aide et un respect mutuel sont nécessaires.

Un contrepoids social : L'accompagnement scolaire associatif est une "contestation de l'exploitation lucrative des difficultés scolaires" et fait contrepoids au système "socialement injuste" du cours particulier payant, sans être pour autant "le cours particulier du pauvre", car il répond à une logique différente.

4. Statut et Modalités d'Organisation

Pour que le tiers lieu remplisse ses fonctions de manière optimale, son statut et son organisation doivent respecter des principes clés, notamment celui du pluralisme.

Principe Clé Justification Conséquences Pratiques
Pluralisme Institutionnel Le tiers lieu doit être un espace pluriel et non un pôle unifié. L'unification, par exemple sous une direction municipale unique, mènerait à un "excès d'institutionnalisation". La coexistence de multiples initiatives (associatives, municipales) est souhaitable.
Liberté de Choix La pluralité des offres garantit à l'enfant et à sa famille des possibilités de choix, préservant ainsi la "grande souplesse d'une intervention". Éviter tout monopole d'une seule association sur un quartier.
Contrôle et Évaluation La diversité institutionnelle établit un "contrôle réciproque" et une garantie contre les dérives (clientèle captive). Elle permet une évaluation comparative des initiatives. Favoriser un écosystème d'acteurs diversifiés plutôt qu'une structure centralisée.

5. Proposition : Créer des "Moniteurs Scolaires"

S'inspirant du succès des moniteurs de colonies de vacances, Guy Coq propose la création officielle d'une fonction de "moniteur scolaire" pour professionnaliser et encadrer l'accompagnement scolaire.

Mission : Proposer un soutien scolaire à des enfants en difficulté, dans un cadre municipal ou associatif. Cette fonction est conçue comme un travail à temps partiel, exercé par un "auxiliaire des enseignants".

Public : Des étudiants ou d'autres adultes motivés.

Formation : Une formation courte (quelques jours à deux semaines) et pratique. Elle ne viserait pas à créer des "enseignants au rabais", mais à initier aux problèmes de l'enfant en difficulté.

Contenu de la formation :

   ◦ Information sur les programmes scolaires et la psychologie de l'enfant.

   ◦ Limitation du "verbiage théorisant".

   ◦ Accent mis sur l'attitude à adopter : un "esprit de non-concurrence, de complémentarité" et une "réflexion constructive vis-à-vis de l'école". Les moniteurs devraient être aidés à "rectifier leurs préjugés mêmes sur l'école".

L'auteur insiste sur le fait que la qualité du dialogue avec la famille et l'école dépend largement de la formation et de l'attitude de ces animateurs.